« Se souvenir des crimes, nommer leurs auteurs et rendre aux victimes un hommage digne, c’est une responsabilité qui ne s’arrête jamais. Ce n’est pas négociable. Et c’est inséparable de notre pays. Être conscient de cette responsabilité est une part de notre identité nationale. »
Curieuse expression de la chancelière allemande, pour qui la mémoire des crimes nazis est « inséparable » de l’identité allemande.
L’identité allemande remonte à plus loin que les crimes nazis commis un peu avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Si l’identité allemande est inséparable de ces crimes, alors les crimes commis par les Allemands en France de 1914 à 1918 le sont aussi.
Curieusement, ces morts français, ou allemands, ne sont jamais honorés par les dirigeants des deux pays, pour qui ces petits soldats d’un peu plus de 18 ans doivent être quantité négligeable. Et d’ailleurs il n’en reste plus un de vivant, alors qu’on nous parle chaque jour de témoins de la Shoah qui disparaissent. Les Poilus survivants du grand carnage n’ont pas eu les bonnes attachées de presse.
Il faudra un jour qu’on se penche sur l’holocauste de 14-18 qui a vu la fine fleur du couple franco-allemand, certes en conflit depuis un bon siècle, être couchée par les mitrailleuses, les gaz et les obus sur le champ de bataille : 1 400 000 morts et 4 200 000 blessés « pour » la France, plus 2 000 000 de morts et 4 000 000 de blessés pour l’Allemagne, soit, si on ajoute les victimes de la grande guerre des impérialismes ou des oligarchies, 3 400 000 morts dans la jeunesse franco-allemande et 8 200 000 blessés.
Rarement honorés, il va sans dire, ou en traînant la patte chez nos présidents. Ces crimes-là font pourtant partie de l’identité allemande comme de l’identité française, ça a marqué au fer rouge chaque village de France et d’Allemagne, mais on n’en entend jamais parler. Et puis on pourrait ajouter toutes les autres victimes de cet holocauste déclenché par les oligarchies européennes soutenues par les banques et les milieux d’affaires – les seuls vainqueurs de la boucherie –, en tout 19 millions de morts civils et militaires confondus et 21 millions de blessés militaires.
Un bel holocauste que voilà.
Cependant, la politique est ainsi faite que la chancelière allemande est obligée de se taper le voyage à Auschwitz comme de vulgaires lycéens français, qui auraient peut-être pu être dirigés sur les champs de souffrance de la Marne ou de la Somme, là où leurs arrières-grands-pères sont morts pour la patrie mais aussi pour le profit des oligarchies du début du XXe siècle.
« À la veille de ce déplacement, Angela Merkel a annoncé l’octroi de 60 millions d’euros à la fondation Auschwitz-Birkenau, crée pour le maintien du site où furent assassinées quelque 1,1 million de personnes, dont un million de Juifs, entre 1940 et 1945. L’ambassade d’Israël à Berlin a salué sur son compte Twitter “un pas important et significatif pour le maintien de la mémoire de la Shoah”. » (Le Parisien)
Le voyage à Auschwitz est considéré comme une punition pour ceux qui sont taxés d’antisémitisme dans les pays européens. Il s’agit donc une rééducation à l’image de la rééducation communiste pour les récalcitrants dans les années 1930-1950. Au moment où l’équilibre des forces politiques en Allemagne change, où le renouveau nationaliste fait peur à l’oligarchie, Merkel est allée sur le lieu de l’ancien camp nazi en Pologne pour annoncer la culpabilité éternelle de son pays et un don en espèces sonnantes et trébuchantes.
« Il est important de nommer clairement les criminels. Nous, les Allemands, le devons aux victimes et à nous-mêmes. »
Bon, les criminels, tout le monde les connaît : c’est la bande à Hitler, c’est assez seriné dans les manuels d’histoire. Il serait d’ailleurs intéressant de seriner de la même façon les grands criminels de masse de 14-18, car ils existent, mais malheureusement, ils n’ont pas l’air d’intéresser les responsables des programmes de l’Éducation nationale. On en a parlé ici, ce réseau très serré des oligarchies européennes qui mêlait les familles impériales aux marchands d’armes et à la grande banque... C’est vrai que c’est un peu plus complexe et caché que les méchants nazis avec leur violente franchise, mais ce serait bien d’en toucher un petit mot aux enfants.
Comme il se doit, Angela a fait son discours habituel sur « la montée du racisme et la propagation de la haine », des éléments de langage nébuleux qui font aujourd’hui bâiller tout le monde, et bien sûr « l’antisémitisme » qui ne fait que monter, si l’on en croit les statistiques venues tout droit des officines communautaires qui sont donc juges et parties. Le pseudo attentat bizarre contre une synagogue fermée en Allemagne fait par exemple dire à Angela que les actes antisémites sont en hausse. Si l’on compte dans les actes antisémites les Allemands qui ne sont pas d’accord avec la politique d’immigration de masse imposée par le grand patronat allemand ou la critique de la gestion de la culpabilité allemande, alors oui, il y a une hausse des actes antisémites. Aujourd’hui, la moindre critique vaut antisémitisme, c’est dû à une avancée des lois...
Un jour, tous ceux qui ne seront pas allés à Auschwitz seront taxés d’antisémitisme.
« Angela Merkel n’est que la troisième dirigeante de gouvernement allemand à se rendre à Auschwitz, après Helmut Schmidt en 1977 et Helmut Kohl en 1989 et 1995. En quatorze ans au pouvoir, elle a multiplié les gestes forts en se rendant à Ravensbrück, Dachau, Buchenwald, et au Mémorial de l’Holocauste de Yad Vashem à Jérusalem. »
Pour son voyage rééducatif, Angela était flanquée du « Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, et par un survivant d’Auschwitz, Bogdan Bartnikowski, 87 ans, ainsi que des représentants de la communauté juive », nous détaille Le Parisien. Culpabilité maximale donc pour Angela, entre les Polonais et les juifs, deux des peuples qui ont le plus souffert du nazisme, avec les Soviétiques bien entendu et d’une certaine façon les Allemands, parce que tous les Allemands n’étaient pas nazis en 1933, loin de là, et que le peuple allemand a aussi souffert de la guerre. Mais là aussi, il y a comme un blocage.
11h55 Minute de silence, dépôt de gerbes devant le « mur des fusillés »
Merkel et Morawiecki se recueillent pic.twitter.com/cjxt4eXYw4— Ludovic Piedtenu (@LudovicPiedtenu) December 6, 2019
La minute de silence devrait être éternelle. Le silence est la meilleure chose pour cicatriser les plaies du passé. Il ne s’agit pas d’oublier, mais de comprendre, puis de pardonner. Le pardon demande beaucoup de force et de grandeur d’âme.
Bonus 1 : le discours d’Angela à Auschwitz présenté par la Barthès
Bonus 2 : Laurent Louis en rééducation auschwitzienne